Le droit belge des contributions alimentaires est fondé sur la distinction entre frais ordinaires et frais extraordinaires.
Par frais extraordinaires, précise l’article 203bis du Code civil, « on entend les dépenses exceptionnelles, nécessaires ou imprévisibles qui résultent de circonstances accidentelles ou inhabituelles et qui dépassent le budget habituel affecté à l’entretien quotidien de l’enfant qui a servi de base, le cas échéant, à la fixation des contributions alimentaires ».
Cette définition repose sur deux éléments :
– le caractère exceptionnel, inhabituel, imprévisible de la dépense
– le fait que ce frais n’a pas été compris dans le budget des frais ordinaires.
A mon sens, cette distinction est inutile car, comme dans tout bon budget, il suffirait de prévoir dans les frais ordinaires une somme raisonnable, provisionnelle, destinée à couvrir les divers et imprévus.
Elle est même nuisible si on constate que la réclamation des frais extraordinaires donne lieu la plupart du temps à de vifs échanges et confrontations, chacun interprétant différemment cette notion.
Quoi qu’il en soit, pour éviter ces conflits, un arrêté royal daté du 22 avril 2019 a fixé la liste des frais dits extraordinaires et a précisé leurs modalités d’exécution, en ces termes :
Article 1er. Sauf convention ou décision judiciaire contraires, les frais extraordinaires visés à l’article 203bis, § 3, alinéa 3, du Code civil, sont limités aux frais suivants :
1° les frais médicaux et paramédicaux suivants :
a) les traitements par des médecins spécialistes et les médications, examens spécialisés et soins qu’ils prescrivent ;
b) les frais d’interventions chirurgicales et d’hospitalisation et les traitements spécifiques qui en résultent ;
c) les frais et dispositifs médicaux et paramédicaux dont l’orthodontie, la logopédie, l’ophtalmologie, les traitements psychiatriques ou psychologiques, la kinésithérapie, la revalidation, les prothèses et appareils, notamment l’achat de lunettes, d’un appareil orthodontique, des lentilles de contact, des semelles et des chaussures orthopédiques, des appareils auditifs et d’un fauteuil roulant ;
d) la prime annuelle d’une assurance hospitalisation ou d’une autre assurance complémentaire que les parents ou l’un d’entre eux doivent payer. La prime doit concerner les enfants ; et ce :
- pour autant que les frais visés au a), b) et c) soient prescrits par un médecin ou une instance compétente ; et
- après déduction de l’intervention de la mutualité, d’une assurance hospitalisation ou d’une autre assurance complémentaire.
2° les frais suivants relatifs à la formation scolaire :
a) les activités scolaires de plusieurs jours, organisées pendant l’année scolaire, telles que les classes de neige, les classes de mer, les classes vertes, les voyages scolaires, d’études et stages ;
b) le matériel et/ou l’habillement scolaire nécessaires, spécialisés et coûteux, liés à des tâches particulières, qui sont mentionnés dans une liste fournie par l’établissement d’enseignement ;
c) les frais d’inscription et les cours pour des études supérieures et des formations particulières ainsi que l’enseignement non subventionné ;
d) l’achat de matériel informatique et d’imprimantes avec les logiciels nécessaires pour les études ;
e) les cours particuliers que l’enfant doit suivre pour réussir son année scolaire ;
f) les frais liés à la location d’une chambre d’étudiant ;
g) les frais spécifiques supplémentaires liés à un programme d’études à l’étranger ; après déduction éventuelle d’allocations d’études et autres bourses d’études.
3° les frais suivants liés au développement de la personnalité et à l’épanouissement de l’enfant :
a) les frais de garde d’enfants de 0 à 3 ans inclus ;
b) les cotisations, les fournitures de base et les frais pour des camps et des stages dans le cadre des activités culturelles, sportives ou artistiques ;
c) les frais d’inscription aux cours de conduite et aux examens théoriques et pratiques du permis de conduire, pour autant que le permis de conduire ne puisse pas être obtenu gratuitement par l’intermédiaire de l’école ;
4° tous les autres frais que les parents qualifient d’un commun accord de frais extraordinaires, ou ainsi qualifiés par le juge.
L’article 2 de cet arrêté ajoute une condition importante pour qu’ils soient dus : sauf urgence ou nécessité avérées, ces frais doivent faire l’objet d’une concertation et d’un accord préalables, portant tant sur l’opportunité de la dépense que sur son montant.
En d’autres termes, il n’y a pas participation de l’autre parent sans accord sur l’engagement de la dépense (et sauf si celle-ci est obligatoire, comme beaucoup de frais scolaires).
L’obtention de l’accord est réglé, non par l’arrêté royal, mais par un alinéa rajouté à l’article 203bis du Code civil en 2019 :
Sauf en cas d’urgence et de force majeure, la condition d’un accord préalable est remplie lorsque le parent à qui la demande d’accord est adressée par envoi recommandé, par envoi recommandé électronique ou par fax s’abstient d’y répondre de l’une de ces manières dans les vingt-et-un jours, à partir du jour qui suit l’envoi. Lorsque la demande est formulée pendant les vacances scolaires d’au moins une semaine ou plus, ce délai est porté à trente jours.
En cas de refus de prise en charge d’une dépense, la contestation sera soumise au juge compétent, à la requête de la partie la plus diligente.
Enfin, l’article 3 de l’arrêt royal règle les modalités d’exécution ainsi :
Sauf convention ou décision judiciaire contraires, les frais extraordinaires doivent :
– être réglés trimestriellement ;
– être accompagnés d’une copie des justificatifs par le parent qui demande le paiement ; et
– être payés dans les quinze jours suivant la communication du décompte accompagné des justificatifs.
Le parent qui perçoit ou bénéficie d’allocations d’études et/ou d’autres bourses d’études, d’une intervention de la mutualité, d’une assurance hospitalisation ou d’une autre assurance complémentaire, fournit à l’autre parent, dès qu’il en dispose et au moins une fois par an en septembre, un aperçu de tous les montants perçus avec copie des justificatifs.
Que penser de tout ceci ?
Que c’est compliqué ! Qui peut, après la lecture de ce qui précède, dire si les repas chauds pris à l’école ou les frais de garderie sont des frais extraordinaires ? La réponse est non, seul « le matériel et/ou l’habillement scolaire nécessaires, spécialisés et coûteux, liés à des tâches particulières et qui sont mentionnés dans une liste fournie par l’établissement d’enseignement », sont des frais extraordinaires….
Quel parent aura par ailleurs le temps et/ou le courage d’adresser une lettre recommandée mentionnant à la fois le décompte et les justificatifs (trimestriels svp !), puis d’attendre 21 jours … en calculant si ces jours ne tombent pas en période scolaire !
Non, décidément non, tout cela ne rapproche pas les citoyens de la justice…
Le seul conseil que je puisse donner est de bien inclure, dans le budget des frais ordinaires cette fois, tous ces petits frais ambigus comme ceux que j’ai cités – cantine, frais de garderie, etc., et de prévoir systématiquement un poste « divers » dans le budget des frais ordinaires de l’enfant.
Ainsi, les frais extraordinaires deviendront non seulement marginaux, mais quasiment inexistants, à l’exception des « classiques » que sont les classes vertes ou le minerval relatif aux études supérieures.
François-Xavier Delogne